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Travaux de littérature, volume XXXII. Appel à contributions

Les Querelles littéraires dans la littérature française

Du Moyen-Âge à nos jours, l’histoire littéraire est traversée par de très nombreuses querelles, littéraires ou philosophiques, qui en ont pour ainsi dire dessiné la figure ou tracé les grands traits, depuis la Querelle sur les Universaux ou la Querelle des femmes jusqu’à la querelle qui opposa Raymond Picard à Roland Barthes ou même Camus à Sartre, en passant par l’insaisissable et toujours renouvelée Querelle des Anciens et des Modernes. Leur importance se révèle capitale pour la compréhension des œuvres, la conception de la pensée créatrice, la constitution de l’histoire littéraire. Nous nous proposons toutefois de réserver ce numéro des Travaux de littérature aux seules querelles littéraires.

On se souviendra cependant, pour pondérer une appréhension volontiers éristique de l’histoire littéraire, qu’avant même d’être offensive, la querelle est d’abord, et étymologiquement, une plainte ou une requête – du latin querel(l)a. C’est en tenant compte de ces deux significations du terme d’origine que s’aperçoit la jonction possible des domaines affectif et juridique : la querelle apparaît alors comme un lieu, un moment où se croisent et se combattent aspirations individuelles et collectives, où le public et le privé entrent en lutte. Il y aurait donc une légitimité de la querelle. Son lieu de réalisation peut même être une cour de justice (dans le cas, par exemple, où sont condamnés œuvres et auteurs).
Sans doute faudra-t-il aussi, autre précaution de fond, se gendarmer contre un usage quelque peu anachronique du mot, et concevoir que dans un monde profondément dominé par le concept d’imitation, la querelle n’existerait peut-être guère que sous la forme d’une rivalité…

Mais, dans la perspective tout à la fois historiographique et littéraire qui est la nôtre, la querelle s’abîme dans une confusion que l’histoire a pour vocation de retracer et démêler, et même souvent, par son regard distancié, de vider. Dans ce tribunal littéraire, les œuvres sont donc à la fois juge (pour la postérité) et partie (pour le moment contemporain) : c’est sans doute là la raison essentielle pour laquelle la littérature (au sens large du mot) et son histoire ont maille à partir, si l’on peut dire, avec les querelles. Cela ne signifie pourtant pas que toutes les querelles aient un sens égal devant l’histoire ou la création littéraire. C’est dire en tout cas que, par un effet de retour, la querelle donne également sens à l’histoire littéraire.
Etayons ce propos, pour le cerner, de quelques questions et remarques plus précises : de quoi se plaint-on au juste, et comment ? Toute une histoire de la vie littéraire passe ainsi par ce qui fait l’objet des querelles (modèles, style, statut de l’écrivain, éditions, idéologies …) et par son mode de diffusion (journaux, lettres, épîtres, épigrammes, préfaces, discours…). Quel est alors le pouvoir de l’écrivain dans ce jeu de disputes ? Qu’est-ce qui fait que des querelles éclatent ? A quelle fin et comment les écrivains en tirent-ils profit ou que risquent-ils ?
Il s’ensuit une histoire de la littérature dont les constructions séculaires sont rythmées par des tensions plus ou moins fortes, plus ou moins déterminantes (c’est là le sens surplombant de la crise : crise du vers, crise du roman…). L’histoire ne peut se passer d’évaluer les mouvements qui la constituent. Aussi a-t-elle pour tâche de faire le tri de ce qui pourrait n’être que le reflux vaniteux de points de vue contradictoires. Par nécessité épistémologique, elle hiérarchise. Certaines querelles peuvent d’ailleurs n’être que de pures constructions sans fond. Comment l’histoire évalue-t-elle donc les querelles ? N’est-ce pas l’objet d’autres querelles ? Pourquoi lui est-il nécessaire de retracer les querelles, et même les querelles mineures ? Comment crée-t-elle alors des échelles d’évaluation ? Autrement dit, l’histoire littéraire serait-elle en fin de compte vouée à la description d’états ou de moments antagoniques ?
En usant de cette notion (peut-être un peu large) de querelle, et plus précisément de querelle littéraire, la réflexion de l’historien fait naturellement retour sur elle-même et prend une dimension historiographique : la critique se propose aussi bien de comprendre l’œuvre dans son histoire que de saisir ce qui fait l’histoire de ces œuvres. A l’aune des querelles, quelle histoire littéraire lisons-nous donc ? Se peut-il même qu’on ne puisse constituer autrement l’histoire littéraire ?
Fort de ces quelques considérations, on pourra envisager trois volets thématiques pour composer ce numéro xxxii :
1. Les querelles dans l’histoire littéraire
2. Les querelles, ferment de la création littéraire
3. L’histoire littéraire à l’aune des querelles. 

Les contributeurs pourront adresser leur proposition avant fin mai 2019 aux trois adresses électroniques suivantes :
- pierre-anne-simone-dufief@wanadoo.fr
- e.francalanza@univ-brest.fr
- Francois.Roudaut@univ-montp3.fr
Dans le cas où la proposition est retenue, l’article sera à remettre par la même voie électronique impérativement le 31 octobre 2019 au plus tard.